孙子兵法 / Méthode de la stratégie militaire de Sunzi (1/13)

始计篇 / 1. Plans préliminaires

孙子曰:兵者,国之大事,死生之地,存亡之道,不可不察也。

Sunzi dit : La stratégie militaire 1 est une affaire majeure pour un Etat 2, le terrain de la vie et de la mort, le moyen de vivre ou mourir, on ne peut pas ne pas l’examiner 3.

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1 Bing  : soldat, force armée, stratégie militaire. A assimiler à Bing  : tomber malade, maladie, défaut, faute. En première lecture, le Sunzi Bingfa concerne, bien entendu, l’art de la guerre des généraux et l’art de la boxe des pratiquants d’arts martiaux. En seconde lecture, il est un traité de médecine et de Yangsheng (nourrir la vie,  entretenir la santé) pour traiter et se protéger des maladies, ainsi que raffiner son énergie interne. Pour une lecture « médicale », il suffira de remplacer « stratégie militaire » par « médecine ».   

2 Les analogies entre la stratégie militaire, la médecine et le Yangsheng sont nombreuses et permettent un rapprochement du présent traité avec les méthodes corporelles et de soins. Par exemple, Etat = le corps, les os et les muscles. On retrouve également dans le traité de médecine chinoise – le Huangdi neijing (Lingshu)-  une référence aux cinq armes militaires traditionnelles pour parler des aiguilles et de la façon de les utiliser : arc et flèches, hallebarde à pointe, lance, hache-poignard, pique.

3 Ce premier verset met en avant l’importance de la stratégie martiale pour ce qui concerne les adeptes des arts martiaux, l’étude et la pratique étant vitales pour protéger son intégrité physique, que l’ennemi soit un être vivant ou une maladie. Or, beaucoup de pratiquants semblent l’avoir oublié ou n’y accorder que peu d’importance. L’art martial n’est ni l’art de la guerre ni une médecine, mais il se situe entre les deux. C’est pourquoi la double lecture, à la fois militaire et médicale, est nécessaire au pratiquant d’arts martiaux afin d’améliorer ses chances de victoire en combat et les qualités de son énergie interne. Que l’on soit un artiste martial ou un soldat aguerri, l’utilisation d’une arme repose sur trois points essentiels : connaître son arme (poids, usages multiples, réactions du matériau, points forts et points faibles), savoir la manipuler (exprimer tout le potentiel de l’arme) et l’entretenir (l’aiguiser, la nettoyer, l’assouplir…).

故经之以五事,校之以计,而索其情:一曰道,二曰天,三曰地,四曰将、五曰法。道者,令民与上同意也,故可以与之死,可以与之生,而不畏危。天者,阴阳,寒暑、时制也。地者,远近、险易、广狭、死生也。将者,智、信、仁、勇、严也。法者,曲制、官道、主用也。凡此五者,将莫不闻,知之者胜,不知者不胜。故校之以计,而索其情,曰:主孰有道?将孰有能?天地孰得?法令孰行?兵众孰强?士卒孰练?赏罚孰明?吾以此知胜负矣。

C’est pourquoi il faut constamment considérer cinq facteurs pour vérifier les plans 4 et en estimer la situation 5 : le premier est appelé Voie, le deuxième Ciel, le troisième Terre, le quatrième Commandement, le cinquième Loi 6. La Voie est ce qui fait que le peuple 7 est en accord avec les supérieurs 8, s’autorisant à offrir la mort et la vie sans peur du danger. Le Ciel est le Yin et le Yang, les saisons froides et chaudes et le contrôle du temps. La Terre est les distances, les degrés de difficultés et de facilités, le vaste et l’étroit, la vie et la mort. Le Commandement est la sagesse, la foi, l’humanité, la bravoure et l’autorité 9. La Loi est le contrôle de la corruption, la doctrine des officiers et la maîtrise des dépenses. Il n’y a pas un général qui n’ait jamais entendu parler de ces cinq facteurs ; celui qui les connaît vaincra, celui qui ne les connaît pas sera vaincu. C’est pourquoi vérifier les plans et en estimer la situation, c’est se demander : quel souverain possède la Voie ? Quel général a les capacités ? Du Ciel et de la Terre, lequel est nécessaire ? De la loi et de l’ordre, lequel met en action ? Des forces armées et des masses, lesquelles sont les plus fortes ? Des lettrés et des soldats, qui est entraîné ? Des récompenses et des punitions, lesquelles sont comprises ? Avec cela, je connais l’issue d’une bataille 10.

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4 Les adeptes du Yangsheng considèrent les cinq facteurs de Sunzi analogues aux cinq organes du corps, et les sept plans qui suivent analogues aux sept humeurs.   

5 Qing  : lire également les émotions et les passions.

6 Pour donner un sens plus en lien avec l’art de la guerre lui-même, on trouve dans d’autres traductions : Conduite ou influence morale pour Voie ; Conditions météorologiques pour Ciel ; Terrain ou territoire pour Terre ; Autorité ou généraux pour Commandement ; Tactiques ou doctrine pour Loi.

7 Peuple = souffle, énergie (qi ).

8 Un des niveaux les plus hauts dans le système du mandarinat.

9 Qualités que doit avoir nécessairement un médecin.

10 Ces sept plans, ou sept questions, sont à (se) poser avant tout engagement pour choisir un bon docteur, ainsi que pour choisir son maître d’arts martiaux. Le texte semble mettre en avant l’importance de l’éthique plutôt que les compétences techniques.

将听吾计,用之必胜,留之;将不听吾计,用之必败,去之。计利以听,乃为之势,以佐其外。势者,因利而制权也。

Le général qui suit mes plans s’emploiera à vaincre immanquablement, qu’il reste ! Le général qui ne suit pas mes plans s’emploiera à subir immanquablement la défaite, qu’il s’en aille ! En suivant les avantages des plans, il agira alors selon les configurations qui contribueront à leur manifestation extérieure 11. Les configurations sont le contrôle du pouvoir en raison des avantages.

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11 Les plans représentent les principes, la théorie. Agir selon les configurations représente la méthode en vue d’appliquer les principes.

兵者,诡道也。故能而示之不能,用而示之不用,近而示之远,远而示之近;利而诱之,乱而取之,实而备之,强而避之,怒而挠之,卑而骄之,佚而劳之,亲而离之。攻其无备,出其不意。此兵家之胜,不可先传也。

La stratégie militaire est la voie de la tromperie. Ainsi, il faut être en capacité en se montrant incapable ; appliquer sans montrer l’application ; être proche en montrant qu’on est loin ; être éloigné en montrant qu’on est proche. Donner l’avantage pour leurrer ; paraître dans la confusion pour aller s’en saisir ; s’il est honnête, se tenir prêt ; s’il est fort, esquiver ; s’il est colérique, l’irriter ; paraître humble pour le rendre arrogant ; s’il est au repos, le fatiguer ; s’il s’approche groupé, le séparer. Attaquer là où l’ennemi n’est pas préparé, surgir là où il ne s’y attend pas. C’est ainsi que les stratèges remportent la victoire ; ils ne peuvent tout divulguer à l’avance.

夫未战而庙算胜者,得算多也;未战而庙算不胜者,得算少也。多算胜,少算不胜,而况于无算乎?吾以此观之,胜负见矣。

Le vainqueur est celui qui a fait de nombreuses prédictions dans le temple avant la bataille. Le perdant est celui qui a fait peu de prédictions dans le temple avant la bataille. De nombreuses prédictions mènent à la victoire ; peu de prédictions mènent à la défaite. Qu’en serait-il sans prédictions du tout ? C’est en observant cela avec attention que je prévois victoires et défaites 12.

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12 Pour conclure ce premier chapitre, observons le fait qu’il met en avant la prévention. Il vaut mieux prévenir que guérir comme le dit l’adage. La médecine chinoise traditionnelle est davantage une médecine de prévention, trouvant son efficace avant que la maladie ne soit déjà présente : « 为之于未有,治之于未乱  Agir avant la manifestation, traiter avant le désordre » (Daodejing, chapitre 64) ; Zhi 治 : traiter, gouverner ; Luan 乱 : désordre, anarchie.

Source :

https://so.gushiwen.org/guwen/book_46653FD803893E4F5B7146187204196D.aspx

(Traduction et commentaires par Gongmen)